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Version de travail en cours de rédaction

Le contenu, la structure et l'url de cet article sont susceptibles de changer à tout moment. Les explications et les références peuvent être incomplètes.

Table des matières :

Introduction

Aborder le phénomène sectaire est particulièrement complexe. Les sectes peuvent prendre des formes variées et subtiles, loin des exemples caricaturaux1 :

Derrière les caricatures rassurantes, où le grotesque des gourous et la stupidité des adorateurs nous permettent de nous convaincre que jamais nous ne tomberions dans un piège aussi grossier, il y a une réalité toute simple : les gens qui tombent dans des sectes ne savent pas qu’ils tombent dans des sectes. Les victimes de ces mouvements ne sont pas plus bêtes ou moins instruites que les autres.

Débarrassons-nous de ces préjugés. Une secte c’est dangereux, parce que ça ne ressemble pas à une secte. Les “méchants manipulateurs” sont manipulateurs. Et c’est justement parce qu’ils le sont qu’on leur donnerait le Bon Dieu sans confession. Ceux qui ont l’air d’escrocs ou de pervers sont bien moins efficaces dans leurs méfaits. Ce sont les autres, les plus séduisants, les plus affables qui peuvent faire de grands dégâts.

Quand on dit secte on pense à gourou, et on pense par exemple à Raël et à ses messages délirants sur les extraterrestres. Mais à côté du saugrenu et du loufoque, les sectes qui réussissent sont celles qui font croire qu’elles peuvent aider les individus à aller mieux, à se débarrasser d’un malêtre ou d’une angoisse, celles qui répondent à des besoins qui n’ont rien de ridicule.

Sous couvert de respectabilité et usant d’un antagonisme, entre un monde externe brutal, agressif, dévoyé et l’environnement du groupe jugé épanouissant et protecteur, les sectes d’aujourd’hui passent souvent inaperçu.

Détecter

Définitions

Il est difficile d’établir une définition précise des sectes, de par leur caractère hétérogène.

Voici quelques définitions qui ont été proposées :

Groupe organisé ou personne solitaire dont le but est de dominer les membres en utilisant la manipulation psychologique et des stratégies de pression.2

Tout groupe idéologique clos qui suit un leader dissident de la doctrine générale et qui se caractérise par le fanatisme et l’intolérance de ses membres.3

Association, organisation ou mouvement qui, sous différents prétextes, enrôle une personne, détruit sa personnalité, l’asservit, la prive de sa liberté, exerce sur elle un pouvoir absolu.4

La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) ne donne pas de définition de secte mais de dérives sectaires en raison de sa volonté de respect des croyances en tant qu’organisme gouvernemental.

Dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société.5

Enfin, le GEMPPI (Groupe d’Étude des Mouvements de Pensée en Vue de la Protection de l’Individu) fait la distinction suivante :

Agissements, pratiques et enseignements utilisés dans des mouvements ou groupes à prétentions religieuses, philosophiques ou thérapeutiques holistiques nuisant ou étant dommageables aux individus et à la société en usant notamment de divers procédés déloyaux ou illégaux. Il s’agit de sectes lorsque ces faits sont constants, répétés, ou structurels. Lorsque ces faits sont occasionnels ou isolés dans un mouvement religieux ou spirituel, il s’agit plutôt de dérives sectaires.6

On retiendra de ces définitions une certaine nocivité pour les individus et des processus de manipulation et d’emprise mentale.

Enfin, précisons que dans une secte, il n’est pas toujours question d’argent : c’est d’abord le contrôle qui est recherché1.

Critères d’identification sectaire

On préfère souvent une liste de critères indicatifs aux définitions trop peu précises.

En raison de la grande diversité et de l’évolution constante des sectes, il est impossible d’établir une liste exhaustive ou permettant une identification certaine.

On peut cependant définir des listes de critères permettant de déterminer des signaux d’alerte pour déceler un risque sectaire.

Voici une liste proposée par la Miviludes7 :

  • Dérives concernant les personnes (comment déceler l’influence sectaire dans le comportement d’un proche)
    • Adoption d’un langage propre au groupe
    • Modification des habitudes alimentaires ou vestimentaires
    • Refus de soins ou arrêt des traitements médicaux régulièrement prescrits
    • Situation de rupture avec la famille ou le milieu social et professionnel
    • Engagement exclusif pour le groupe
    • Soumission absolue, dévouement total aux dirigeants
    • Perte d’esprit critique
    • Réponse stéréotypée à toutes les interrogations existentielles.
    • Embrigadement des enfants
    • Existence d’atteintes à l’intégrité physique ou psychique
    • Manque de sommeil
  • Dérives concernant les biens (comment déceler l’influence sectaire en matière économique et financière)
    • Acceptation d’exigences financières de plus en plus fortes et durables
    • Engagement dans un processus d’endettement
    • Legs ou donations à des personnes physiques ou morales en lien avec le groupe auquel appartient la victime
    • Obligation d’acheter ou de vendre certains matériels ou services comme condition incontournable d’appartenance au groupe
    • Participation à des conférences, stages, séminaires, retraites, en France ou à l’étranger
    • Existence d’escroqueries ou de publicité mensongère sur les qualités substantielles d’un produit ou d’un service
  • Dérives concernant la vie sociale et démocratique (comment déceler l’influence sectaire dans le domaine de la vie sociale et démocratique)
    • Discours antisocial ou anti démocratique
    • Critique des institutions de la République
    • Troubles à l’ordre public
    • Perturbation du fonctionnement normal des services publics (par exemple intrusion non autorisée dans les hôpitaux pour empêcher certains actes médicaux)
    • Existence de condamnations judiciaires ou ordinales
    • Détournement des circuits économiques traditionnels
    • Tentatives d’infiltration ou de déstabilisation des pouvoirs publics
    • Publication de documents ayant l’apparence d’un caractère officiel dénigrant certains services publics
    • Détournement de marques, dessins, titres et modèles officiels pour amener une confusion dans l’esprit du public

Voici une liste proposée par l’ICSA (International Cultic Studies Association, ou Association Internationale d’Études Sectaires)8 :

  • Le groupe est excessivement zélé et/ou s’engage inconditionnellement envers son ou ses dirigeants
  • Les questions, les doutes et les contestations sont découragés ou punis
  • Les pratiques altérant l’esprit (méditation, chant, parler en langues, sessions de dénonciation, activités démoralisantes…) sont beaucoup utilisées, étouffant les doutes sur le groupe et les dirigeants
  • Les dirigeants dictent la manière dont les membres doivent penser, agir ou ressentir (par exemple les membres doivent obtenir un accord pour se fréquenter, se marier, changer de travail ; les dirigeants indiquent comment élever les enfants, quels habits porter, s’il faut ou non avoir des enfants, où habiter…)
  • Le groupe est élitiste, revendique un statut spécial (par exemple des dirigeants qui seraient des “prophètes” ou ayant reçu un “message spécial”, ou un groupe investi d’une mission spéciale)
  • Le groupe a une mentalité polarisée de “nous contre eux”, opposé au reste de la société
  • Les dirigeants ne rendent pas de comptes
  • Le groupe enseigne ou insinue que sa mission particulière justifie tous les moyens qu’il juge nécessaires. Cela peut se traduire par des membres agissant d’une manière qu’ils jugeraient non éthique ou répréhensible s’ils ne le faisaient pas pour la cause du groupe
  • Les dirigeants induisent des sentiments de honte et/ou de culpabilité chez les membres pour les influencer et/ou les contrôler. Cela est souvent fait par la pression indirecte (via le groupe ou les autres membres) ou une persuasion subtile.
  • L’obédience au groupe et/ou aux dirigeants pousse/requiers des membres qu’ils coupent les liens avec leur famille ou amis
  • L’obédience au groupe et/ou aux dirigeants pousse/requiers des membres qu’ils abandonnent leurs projets et/ou activités
  • Le groupe cherche à recruter de nouveaux membres
  • Le groupe cherche à faire de l’argent
  • Le groupe attend des membres qu’ils dévouent une part excessive de leur temps au groupe ou aux activités liées au groupe
  • Les membres sont incités à ne vivre ou ne sociabiliser qu’avec les autres membres du groupe
  • Les membres les plus loyaux pensent qu’il ne peut y avoir de vie en dehors du groupe. Ils considèrent que la vie dans le groupe est la meilleure ou la seule possible.
  • Les membres les plus loyaux craignent les représailles s’ils quittent le groupe

La sociologue Janja Lalich ajoute à cette dernière liste quelques critères supplémentaires, sous forme de questions à se poser9 :

  • Comment sont traitées les personnes qui quittent le groupe ? Est-ce que le groupe vous laisse savoir qui est parti et pourquoi ?
  • Est-ce que d’anciens membres parlent de leur expérience dans le groupe ? Comment évaluent-ils leur temps dans le groupe ?
  • Quelle est la procédure pour déposer une plainte ? Y a-t-il un réel mécanisme de feedback ? Est-ce que les plaintes sont rendues publiques ?
  • Est-ce que les questions sont répondues directement ? Vous dit-on à maintes reprises d’écouter votre cœur et non votre tête ? Vous dit-on que vous êtes trop nouveau, trop mal informé, trop fouineur, etc., et que vous ne devriez pas poser de telles questions ?
  • Y a-t-il un leader qui semble être l’autorité ultime, le porte-parole ? Ses opinions sont-elles contestées par d’autres ? L’avis du leader doit-il être accepté sans réserve ?
  • Quelle est l’attitude des adeptes envers le leader ? Existe-t-il une séparation des pouvoirs pour que le leader rende des comptes ?
  • Est-ce que plus d’un point de vue est présenté ? D’autres points de vue sont-ils reconnus ? D’autres points de vue sont-ils considérés comme valables bien que différents ?
  • Semble-t-il qu’il y a des secrets ? L’information est-elle restreinte de quelque façon que ce soit ? Y a-t-il des informations que l’on vous dit de ne pas partager avec des non-membres ? Y a-t-il des informations que l’on vous dit que vous ne pouvez pas obtenir avant d’être membre du groupe ou d’avoir atteint un certain niveau ?

Critères de diagnostic d’emprise mentale

Philippe-Jean Parquet, professeur de psychiatrie infanto-juvénile à l’université de Lille, spécialiste de l’emprise mentale, dresse la liste suivante de 10 critères de diagnostic d’emprise mentale (5 sont nécessaires pour valider le diagnostic)10 :

  • Rupture avec les modalités antérieures des comportements, des conduites, des jugements, des valeurs, des sociabilités individuelles, familiales et collectives
  • Occultation des repères antérieurs et rupture dans la cohérence avec la vie antérieure
  • Acceptation par une personne que sa personnalité, sa vie affective, cognitive, relationnelle, morale et sociale soient modelées par les suggestions, les injonctions, les ordres, les idées, les concepts, les valeurs, les doctrines imposés par un tiers ou une institution, conduisant à une délégation générale et permanente à un modèle imposé
  • Adhésion et allégeance inconditionnelle
  • Mise à disposition complète, progressive et extensive de sa vie
  • Sensibilité accrue dans le temps aux idées, aux concepts et aux prescriptions
  • Dépossession des compétences d’une personne avec anesthésie affective, altération du jugement et du sens critique
  • Altération de la liberté de choix
  • Imperméabilité aux avis, attitudes, valeurs de l’environnement avec impossibilité de se remettre en cause et de promouvoir un changement
  • Induction et réalisation d’actes gravement préjudiciables à la personne

Présence dans différents domaines

En France, la Miviludes a dressé en 2017 la liste des cas de dérive sectaire sur lesquels elle est intervenue. Voici les milieux qui ont donné lieu à au moins 4% des cas11 :

  • Médecine alternative et nutrition : 40%
  • Chrétiens évangéliques : 27%
  • New Age : 6%
  • Témoins de Jéhovah : 4,5%
  • Scientologie : 4,5%
  • Catholiques : 4%

Tous les secteurs d’activité humaine sont potentiellement vulnérables aux sectes. Mais certains sont plus vulnérables que d’autres : les sectes y ont une emprise plus facile et on les trouve en bien plus grand nombre. Le CCMM (Centre Contre les Manipulations Mentales) donne une analyse des domaines poreux ou historiquement favorables aux emprises sectaires12 :

  • L’éducation : historiquement vulnérable dans les champs de l’enseignement libre ou périscolaire, des cours particuliers, du soutien scolaire et des voyages linguistiques. Réduit depuis 2009 par un réseau ministériel de vigilance.
  • La formation en entreprise : les sectes sont de plus en plus actives dans ce domaine qui est un moyen efficace d’atteindre de potentiels nouveaux adeptes. Elles sont particulièrement présentes dans les formations concernant la gestion du stress, la résolution des conflits interpersonnels, le renforcement de la confiance en soi, l’accroissement de la capacité d’autoaccomplissement…
  • La formation privée : les sectes sont depuis longtemps présentes dans ce domaine, notamment dans les formations, séminaires ou stages concernant le développement personnel, le bienêtre et la santé.
  • Des sites faussement respectables : un nombre non négligeable de sites internet se présentant sous un aspect respectable (institut de recherche, plateforme universitaire, journal d’information…) sont en fait des moyens de propagande sectaires ou une vitrine pour des sectes.
  • ONG humanitaires : certaines sectes prennent la forme d’une ONG humanitaire ou possèdent une composante humanitaire (sous la forme ou non d’une ONG) et utilisent la fragilité induite par les guerres ou les désastres sanitaires pour créer un lien de dépendance et faire de nouveaux adeptes.
  • Santé et bienêtre : le domaine de la santé est particulièrement vulnérable aux dérives sectaires, qui peuvent entrainer la privation de soins ou l’utilisation de thérapeutiques non conventionnelles qui reposent sur des théories fantaisistes. La plupart des mouvements de santé à caractère sectaire promeuvent des théories sur la santé et revendiquent des pratiques thérapeutiques en opposition avec la médecine classique.
  • Associations sportives : les mouvements à caractère sectaire,notamment de la mouvance new age, utilisent souvent les clubs de gymnastique ou d’arts martiaux pour faire du prosélytisme, parfois par le biais de coach sportifs ou de sportifs de haut niveau acquis à leur cause.
  • Milieux complotistes : les milieux complotistes, particulièrement ceux qui croient en l’existence d’une société secrète ancienne de personnes influentes ou un groupe de décideurs puissants répartis dans le monde qui exerceraient un pouvoir absolu particulièrement dans les domaines religieux économique et politique sont vulnérables aux emprises des sectes qui leur promettent de découvrir la “vérité”.
  • Religions : la plupart des sectes ont un encrage religieux, pseudo-religieux, ou psycho-spirituel, terrains particulièrement favorables à l’abus de faiblesse et à la manipulation mentale. La plupart des sectes religieuses sont issues des religions chrétiennes, notamment la mouvance évangélique, ou s’y apparentent.

Comprendre

L’emprise mentale

Ce processus fait intervenir de nombreux éléments2 : la vulnérabilité de la victime, les effets de groupe, l’instrumentalisation des émotions, le détachement des influences externes, la progression dans l’enseignement doctrinal, les promotions ou l’attribution de responsabilités…

Il est progressif et finit par s’auto-renforcer13 : il crée un sentiment de vide hors de la pratique sectaire, qui devient à la fois la cause et la conséquence de ce renforcement. Ainsi l’adepte pert sa capacité à faire ses propres choix.

De plus, l’engagement actif dans la secte peut créer une dépendance affective envers les dirigeants ou le groupe14.

Le processus de mise sous emprise

Le processus de mise sous emprise, ou processus d’engagement dans une secte se déroule en quatre étapes15 16 :

  1. La séduction
  2. La déstabilisation (ou destruction)
  3. La reconstruction (ou transformation)
  4. Le maintien en dépendance (ou sous contrôle)

La séduction

La déstabilisation

La reconstruction

Le maintien en dépendance

Mise sous emprise

Il existe plusieurs classifications des moyens et processus de mise sous emprise mentale (ou mise sous sujétion).

Voici une liste de pratiques couramment utilisées dans les sectes, proposée par le Cult Information Centre (Centre d’Information sur les Sectes) de Londres17 :

  • La relation d’autorité
    • Une hiérarchie qui s’affiche, qui prône l’acceptation de l’autorité interne en promettant avancement, pouvoir et surtout salut.
    • Des règles intransigeantes. On provoque une régression et une désorientation par le fait de devoir demander la permission pour des actes élémentaires de la vie quotidienne.
    • Une doctrine déstabilisante. On encourage l’acceptation aveugle et le rejet de la logique par des exposés complexes et interminables sur une doctrine incompréhensible.
    • Pas de questions. On vise à l’acceptation automatique des croyances en décourageant les questions, et en suggérant d’abandonner ses doutes, condition de toute progression dans l’enseignement proposé.
    • L’approbation du contrôle. Des actions peu différentes les unes des autres entrainent tantôt une récompense, tantôt une punition. D’où une confusion encore accentuée.
    • La peur. Les plus anodines pensées, paroles ou actions tant soit peu « négatives » provoquent des menaces sur l’âme, sur la vie ou sur un organe, ce qui entretient l’obéissance aveugle.
  • Le renforcement de l’adhésion au groupe
    • La pression d’un groupe chaleureux. En exploitant le désir d’appartenance à un groupe, on supprime le doute, la réserve et la résistance aux nouvelles idées.
    • Le « bombardement d’amour ». On crée un pseudo-esprit de famille et d’appartenance par l’embrassade, les démonstrations affectives, l’attendrissement et la flatterie.
    • La tromperie verbale. On altère l’individualité par une demande de conformité au code de bonne conduite du groupe.
    • L’annonce de dangers imminents. Menaces qui induisent un climat de peur, permettent d’assurer une emprise sur les individus, et renforcent l’adhésion au groupe.
    • L’adhésion au groupe. On renforce le sentiment d’appartenance en introduisant dans un contexte émotionnel intense, des activités originales, qui cimentent le groupe par un « vécu » commun.
    • La psalmodie et le chant. On élimine les pensées étrangères au groupe par la répétition en chœur de chants et de phrases propres à rétrécir le champ de la conscience.
    • La méta-communication. On insinue avec force des messages simples, en insistant sur certains mots et expressions-clés au cours de longues et harassantes conférences, ou dans des messages audios qu’il faut sans cesse écouter.
    • L’hypnose. On induit un état de grande suggestibilité par l’hypnose souvent déguisée habilement en méditation.
    • La culpabilité. L’aspiration au salut est exaltée en insistant sur les péchés commis lors de l’ancien mode de vie.
  • L’atteinte à la vie personnelle
    • L’obligation de transparence. On pousse à l’aveu des faiblesses personnelles et des plus intimes sentiments et doutes, ce qui encourage la destruction de l’égo individuel et réduit la part d’intimité de l’être. Au passage cela permet de récolter des secrets dont on pourra ultérieurement se servir contre l’adepte récalcitrant.
    • La destruction de l’inhibition. En encourageant l’obéissance infantile et en orchestrant le comportement enfantin ; en jouant aussi sur la pudeur et l’impudeur.
    • L’entrave à la vie intime. On réussit à faire perdre la capacité d’évaluation logique en empêchant ou en décourageant l’analyse critique personnelle.
    • Le changement de régime alimentaire. On contribue à une désorientation et à une grande sensibilité aux bouffées émotionnelles par une alimentation médiocre des cellules nerveuses en certains éléments notamment protéiques.
    • La régence de la vie sexuelle. Là aussi on sème la confusion par des règles où se mêlent et alternent la rigidité et la permissivité ; cela va pour certains jusqu’à transgresser la prohibition de l’inceste, base indispensable depuis toujours de l’identification personnelle et de toute évolution sociétaire.
    • La fatigue et privation de sommeil. On crée la désorientation et la vulnérabilité, en imposant une activité mentale et physique prolongée sans le repos et le sommeil adéquat.
    • La dépendance financière. L’adepte donne ses biens. Ainsi l’on pousse à fond la dépendance vis-à-vis du groupe et l’on consomme la rupture des ponts avec le passé.
    • Le rejet des anciennes valeurs. On accélère l’acceptation aveugle d’un nouveau style de vie en critiquant et dénonçant les valeurs et croyances antérieures.
  • La coupure avec l’extérieur
    • L’accusation. On donne une fausse impression de rigueur en dénonçant les défauts du monde extérieur et des autres groupes religieux.
    • Le remplacement des relations. On détruit les relations familiales antérieures. On arrange des mariages internes et des néo-familles. On déracine géographiquement et spirituellement, au point parfois d’inventer une généalogie fantoche.
    • L’isolement. On provoque une perte de contact avec le réel par une séparation physique ou intellectuelle d’avec la famille, les amis, l’environnement naturel, la société et les références rationnelles.

Contrôle de la pensée

Pour contrôler l’adepte, la secte doit contrôler sa pensée. ce contrôle est constitué de 4 composantes18 :

  • Contrôle du comportement
    • Contrôle de la réalité physique environnant l’individu (lieu de vie, nourriture, sommeil, finances, loisirs…)
    • Partie importante du temps consacrée aux rites du groupe et aux activités d’endoctrinement
    • Nécessité de demander la permission pour toute décision majeure
    • Obligation de rendre compte des pensées, sentiments et activités à ses supérieurs
    • Les comportements peuvent donner lieu à des récompenses ou à des punitions
    • L’individualisme est découragé. La pensée de groupe et l’intérêt du groupe prévalent
    • Règlement rigide
    • Obéissance aux ordres et soumission à l’autorité hiérarchique
  • Contrôle de l’information
    • Désinformation (rétention d’information, déformation d’information ou mensonge)
    • Accès découragé ou réduit aux sources extérieures d’information (médias, informations critiques, anciens membres)
    • Occupation constante des adeptes pour empêcher la réflexion critique
    • Compartimentation de l’information
    • Doctrine de l’intérieur (la vérité), contre celle du monde extérieur (celle du monde)
    • L’information délivrée aux membres diffère selon leur place hiérarchique et leur fonction au sein du groupe, la direction décide de qui a besoin de savoir quoi
    • Les membres sont encouragés à rapporter à leurs supérieurs les commentaires ou les actes déviants observés chez les autres
    • Utilisation intensive de la propagande et des informations générées par le groupe (revues internes, messages audios et vidéo…)
    • Citations biaisées, déclarations extérieures sorties de leur contexte et réinterprétées à la convenance du groupe
    • Confession utilisée comme un moyen de pression sur les membres du groupe, en abolissant les frontières de l’identité personnelle (réduction de la part d’ intimité de l’individu) et en le manipulant par la culpabilité
  • Contrôle de la faculté de réflexion
    • Obligation d’intérioriser la doctrine du groupe comme étant la vérité absolue, dont on ne doit jamais dévier, et que l’on ne doit jamais remettre en question. Cette vérité est souvent présentée dans le cadre d’un combat d’une minorité détenant la vérité contre un monde mauvais, conduisant à l’enfermement paranoïaque.
    • Tout ce qui est bien est incarné par le chef et le groupe, tout ce qui est mauvais est à l’extérieur
    • Adoption d’un langage propre au groupe (l’utilisation de mots nouveaux ou le fait de changer la signification de certains termes permet de contrôler les pensées en opérant une rupture avec les références antérieures et en enfermant l’individu dans un monde stéréotypé, réduisant de fait sa capacité de réflexion en la limitant aux notions autorisées par le groupe)
    • Seules les pensées positives dans l’optique du groupe sont encouragées
    • Techniques d’arrêt de la pensée (chants, psalmodies, méditation…)
    • Rejet de l’analyse rationnelle, de la pensée critique
    • Les membres sont exercés à ne croire aucune critique concernant le groupe, la doctrine ou le leader
    • Rejet de toute pensée qui ne correspond pas à la doctrine, aucune autre forme de pensée n’est envisagée comme légitime ou bonne
  • Contrôle des émotions
    • Manipulation par la réduction du champ des émotions en privilégiant des émotions très intenses et moins variées (joie, peur, enthousiasme, dégout…)
    • Responsabiliser systématiquement la personne pour ses échecs et jamais le leader ou le groupe
    • Utilisation excessive de la culpabilisation

Théorie de l’engagement

🚧 NB : Section à refaire

On peut résumer la théorie de l’engagement ainsi :

  • on est d’autant plus engagé que la décision a été libre
  • on est d’autant plus engagé que la décision a été publique
  • on est d’autant plus engagé que la décision a été répétée
  • on est d’autant plus engagé que la répétition a été couteuse
  • on est d’autant plus engagé que l’on ne semble pas pouvoir revenir sur sa décision

En sortir

Rupture de sujétion

Différences de cas

Beaucoup de facteurs sont communs à tous les membres et anciens membres de sectes, mais on observe quelques différences selon que la personne ait grandi dans la secte ou qu’elle y soit rentrée plus tard, à la fois lorsqu’elles envisagent de quitter le groupe et après l’avoir fait19 :

Lorsqu’elles envisagent de quitter le groupe :

  • Celles qui sont entrées plus tard ont plus de sentiment de culpabilité
  • Celles qui sont entrées plus tard ont un plus grand besoin de relations communautaires et d’affiliation à un groupe
  • Celles qui ont grandi dedans ont plus peur de perdre des relations
  • Celles qui ont grandi dedans ont plus peur des conséquences de leur départ sur elles-mêmes

Lorsqu’elles ont quitté le groupe :

  • Celles qui sont entrées plus tard forment plus rapidement de nouvelles amitiés
  • Celles qui sont entrées plus tard renouent plus facilement avec leur famille qui n’était pas dans le groupe
  • Celles qui ont grandi dedans ont un plus grand besoin d’apprendre la vie en société
  • Celles qui ont grandi dedans ont plus de sentiment d’incertitude
  • Celles qui ont grandi dedans ont plus de mal à se créer une nouvelle identité

Séquelles psychologiques

Les psychologues ont identifié 20 composantes de détresse psychologique fréquemment présentes (> 50% des cas) chez les personnes adultes étant sorties d’une secte, plusieurs mois après leur sortie20 :

  • Difficultés émotionnelles
    • Anxiété et peur : détresse émotionnelle associée à l’hypervigilance et à la peur face aux difficultés et/ou aux menaces et aux dangers associés au départ du groupe et à sa doctrine.
    • Deuil et perte : détresse émotionnelle associée à des expériences de perte et de séparation d’avec les gens (famille, amis…) ou d’autres éléments importants laissés derrière lors de la sortie du groupe.
    • Honte et culpabilité : détresse émotionnelle ressentie lorsque l’on prend conscience d’appartenir à un groupe abusif.
    • Tristesse et désespoir : détresse émotionnelle associée à des sentiments de découragement, de dévalorisation, de vide ou de désespoir, pouvant conduire à des pensées suicidaires.
    • Rage et colère : détresse émotionnelle liée à d’intenses sentiments d’indignation envers le groupe, son chef, soi-même et/ou les membres de sa famille.
    • Faible estime de soi : impression défavorable de soi liée à de faibles sentiments d’estime de soi, d’acceptation de soi et de respect de soi.
  • Difficultés cognitives
    • Atrophie cognitive : déficiences cognitives associées à des difficultés de traitement de l’information, à une faible concentration, à un manque de pensée critique et à une flexibilité cognitive réduite.
    • Difficultés de prise de décision : incertitude et méfiance à l’égard de sa capacité à évaluer des situations, à utiliser ses propres critères et à prendre des décisions autonomes indépendamment des croyances et des règles dogmatiques précédemment utilisées dans le groupe.
    • Problèmes d’identité : difficultés à former un concept de soi réaliste et authentique, sans rapport avec celui établi par le groupe, qui fournit des valeurs profondes, un nouvel objectif et un sens à la vie.
    • Rumination et évitement : revisite récurrente des souvenirs pénibles et évitement persistant des pensées ou des situations liées aux expériences du groupe.
    • Pensées et croyances paranoïaques et irrationnelles : pensées et croyances qui peuvent conduire à une vision déformée de la réalité, y compris une généralisation excessive, une mauvaise attribution ou une interprétation trop spirituelle, émotionnelle ou persécutrice des évènements.
    • États dissociatifs : états de conscience altérés où la personne se dissocie et se sent déconnectée ou éloignée d’elle-même et de l’environnement, déclenchés par des stimuli associés aux expériences du groupe.
  • Difficultés relationnelles et sociales
    • Manque de compétences sociales : difficultés à communiquer et à interagir avec les autres de manière efficace et mutuellement satisfaisante.
    • Difficultés relationnelles : difficultés à établir ou à renouveler des relations sociales stables et intimes, en raison d’une tendance vers des positions de dépendance ou de méfiance à l’égard des autres, et impliquant des sentiments d’incompréhension et de solitude.
    • Difficultés d’intégration sociale : difficultés à s’adapter et à (ré)intégrer la société, à faire face de manière satisfaisante aux problèmes et aux exigences du nouvel environnement culturel, tels que les besoins éducatifs, économiques ou d’emploi.
  • Autres problèmes comportementaux
    • Somatisation : symptômes physiques persistants résultant de conflits psychologiques non résolus exprimés par des affections corporelles ou des troubles somatiques.
    • Troubles du sommeil : perturbations qui affectent le fonctionnement normal du cycle veille-sommeil, souvent exprimées comme des difficultés à s’endormir, à rester endormi toute la nuit ou à se réveiller trop tôt, y compris des cauchemars.
    • Troubles de l’alimentation : habitudes alimentaires qui impliquent de limiter certains aliments ou un apport alimentaire insuffisant ou excessif, y compris les cognitions induites par le groupe sur les propriétés irréalistes de certains aliments.
    • Problèmes sexuels : perturbations des attitudes et des comportements sexuels qui empêchent le développement d’une vie sexuelle saine, entravant l’implication adéquate de la personne dans les relations sexuelles souhaitées.
    • Comportements addictifs : Un modèle de comportement compulsif dans lequel la personne cherche une satisfaction immédiate par la consommation de substances ou en exécutant certains comportements qui impliquent un inconfort ou une déficience importante.

Nouvelle vie

Agir contre les sectes

En France, parmis les organismes gouvernementaux, c’est la Miviludes qui se charge des dérives sectaires. Il est possible de faire un signalement en ligne.

En cas d’infraction pénale constatée, on peut déposer plainte au commissariat ou à la gendarmerie, ou par courrier au Procureur de la République près du tribunal de grande instance.

Il est également possible de contacter des associations spécialisées dans l’aide aux victimes de sectes :

Références

  1. La Tronche en Biais. (2016, novembre 3). Les réponses aux dérives sectaires - Tronche en Live #33 [Fichier vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=AZqSqWrm4Gs  2

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